Aller au contenu principal
Fermer

Au Kirghizstan, l'avenir incertain d'une rare forêt ancestrale de noyers
information fournie par AFP 13/11/2025 à 16:31

Femme cherchant des noix à Arslanbob, au Kirghizstan, le 21 octobre 2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

Femme cherchant des noix à Arslanbob, au Kirghizstan, le 21 octobre 2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

"La forêt était tellement dense avant. Mais elle s'est éclaircie", se remémore Assel Alicheva. En Asie centrale, la plus ancienne forêt de noyers sauvages au monde est menacée, piétinée par les vaches et brûlée par le soleil.

Enfant, Mme Alicheva avait "peur d'y aller". "C'était impossible d'y marcher. Maintenant il y a moins d'arbres, la différence est grande", dit la septuagénaire en cassant des noix à Arslanbob (ou Arslanbap), village du Kirghizstan.

En cette fin d'automne, le silence de cette forêt qui s'étend sur les contreforts d'une montagne de 4.200 mètres d'altitude est troublé par le bruissement des feuilles mortes remuées par les bâtons des femmes et enfants. Tous recherchent des noix, présentes ici depuis environ un millénaire et ressource économique cruciale dans la région de Djalal-Abad (centre).

"C'est notre gagne-pain. Il n'y a pas d'autres options, uniquement les noix", résume Arno Narynbaïeva, 53 ans, qui en ramasse "depuis son enfance".

Arslanbob, Kirghizstan, 22/10/2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

Arslanbob, Kirghizstan, 22/10/2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

Mais le fruit à coque est pris entre deux étaux: d'un côté les activités humaines, avec le surpâturage du bétail et les coupes illégales, de l'autre le réchauffement climatique.

Ces noyers sont dispersés dans une forêt relique de 600.000 hectares, apparue il y a entre 10 et 50 millions d'années, qui "revêt une importance capitale pour le monde entier" car elle conserve "un important patrimoine génétique", avec des espèces ancestrales, explique l'expert forestier Zakir Sarymsakov.

- Sécheresse et vaches -

Cassage de noix à Arslanbob, au Kirghizstan, le 22 octobre 2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

Cassage de noix à Arslanbob, au Kirghizstan, le 22 octobre 2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

Mais les habitants des alentours interrogés par l'AFP soulignent l'enchaînement des mauvaises récoltes.

"La chaleur est néfaste pour les noix: elles tombent, brûlent et noircissent", résume la ramasseuse, Mme Narynbaïeva.

Au bazar, la revendeuse Jazgoul Omourzakova assure ne "pas avoir vu ça avant". "Dans les années 2000, on recevait d'importantes quantités, jusqu'à 15 tonnes par jour. Aujourd'hui, trois-quatre tonnes, ça diminue d'année en année", dit la quadragénaire, qui espère "continuer à en exporter en Russie".

"Le climat se réchauffe, les noix perdent en qualité, elles rougissent. Nous devons expédier des cerneaux blancs (prisés en pâtisserie), mais il y en a de moins en moins", explique-t-elle.

Car comme le souligne le spécialiste Zakir Sarymsakov, "le noyer supporte mal la chaleur".

Ce qui est de mauvais augure car l'Asie centrale s'est réchauffée d'environ 1,5°C en trois décennies, deux fois plus que la moyenne mondiale, selon les scientifiques.

Pépinière à Arslanbob, au Kirghizstan, le 22 octobre 2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

Pépinière à Arslanbob, au Kirghizstan, le 22 octobre 2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

"Ces 15-20 dernières années, nos forêts de noyers ont également subi les conséquences du changement climatique, avec des périodes de sécheresse plus fréquentes", note M. Sarymsakov.

Le stress hydrique menace aussi le million de plants de la pépinière d'Arslanbob pour reboiser la forêt.

"Il n'a pas plu et il a fait très chaud, la terre s'est asséchée, l'herbe a fané", constate le jardinier Temir Emirov. "Les plants n'ont pas reçu d'eau depuis un mois et utilisent leur propre humidité pour survivre".

- "Concilier économie et nature" -

Vaches à Arslanbob, au Kirghizstan, le 21 octobre 2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

Vaches à Arslanbob, au Kirghizstan, le 21 octobre 2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

Au quotidien, la forêt d'Arslanbob lutte contre d'autres ennemis redoutables.

"Le bétail est un problème", estime le garde-forestier Ibraguim Tourgounbekov, responsable de la pépinière, qui se bat aussi contre les "coupes illégales de bois".

Avec l'augmentation des cheptels privés après la chute de l'URSS, les vaches errent dans la forêt, mangent les jeunes pousses et piétinent le sol, empêchant la régénération naturelle et accélérant la désertification.

Et les arbres ont longtemps été utilisés comme bois de chauffe, préféré au charbon, plus cher.

Avec ses équipes, le garde-forestier Tourgounbekov multiplie les actions de prévention, dresse des contraventions et tente de convaincre les éleveurs de réduire leur cheptel.

Pour préserver la forêt, des spécialistes proposent de taxer le surplus de bétail, le gouvernement veut restreindre le pâturage près des habitations et même les imams appellent les fidèles à protéger les noyers.

Selon M. Tourgounbekov, "il est nécessaire de diversifier les options économiques des habitants et d'apprendre à concilier économie et nature", notamment en misant sur le tourisme durable ou en donnant une valeur ajoutée aux noix.

Tri de noix à Arslanbob, au Kirghizstan, le 23 octobre 2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

Tri de noix à Arslanbob, au Kirghizstan, le 23 octobre 2025 ( AFP / VYACHESLAV OSELEDKO )

"Si nous transformons les noix en parfums ou en huiles et les expédions en Europe, la valeur de la noix augmentera. En vendant plus cher, les locaux seront motivés et prendront davantage soin de la forêt", propose M. Tourgounbekov.

Des conseils que tente d'appliquer la nouvelle génération.

Dans son atelier, le lycéen Abdoulaziz Khalmouradov fabrique après les cours de l'huile de noix avec des pressoirs artisanaux.

"J'ai de grands projets: je veux augmenter le nombre de machines et produire plusieurs types d'huiles", dit l'adolescent de 16 ans, qui voudrait viser la clientèle étrangère.

"Le tourisme à Arslanbob est peu développé. Si le nombre de touristes augmente, les volumes augmenteront", estime, confiant, l'apprenti entrepreneur. "Dès que nous aurons obtenu les certificats, nous pourrons exporter".

0 commentaire

Signaler le commentaire

Fermer

A lire aussi

  • Paul Watson: "Je pense que rien ne sera accompli" lors de la COP30
    information fournie par AFP Video 13.11.2025 20:01 

    "Je pense que rien ne sera accompli [lors de la COP30] au moins au niveau du leadership parmi les dirigeants mondiaux", déclare Paul Watson, fondateur de l'association Sea Shepherd, lors d'une interview en marge de la COP30 à Belém, au Brésil.

  • Manifestation d'employés de Starbucks devant un café de l'entreprise à New York, le 28 octobre 2025 ( AFP / TIMOTHY A.CLARY )
    information fournie par AFP 13.11.2025 19:31 

    Plusieurs milliers de baristas, qui servent aux comptoirs de Starbucks, ont lancé jeudi une grève d'une durée indéterminée pour protester contre leurs conditions de travail et l'impasse des négociations du contrat social, débutant leur mouvement un jour de grande ... Lire la suite

  • Une femme qui a fui El-Facher, ville du Darfour (ouest) prise par les paramilitaires, prépare à manger dans un camp pour déplacés soudanais  à al-Dabbah, le 13 novembre 2025 ( AFP / Ebrahim Hamid )
    information fournie par AFP 13.11.2025 19:12 

    Des réfugiés soudanais de tous âges partis d'El-Facher racontent à l'AFP leur exode épuisant: la faim, la soif, les cadavres sur la route, les contrôles, les fouilles brutales, les scènes de violence. Certains ont dû parcourir à pied les 770 km qui séparent la ... Lire la suite

  • Le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Kiev, en Ukraine, le 31 octobre 2025 ( AFP / Tetiana DZHAFAROVA )
    information fournie par AFP 13.11.2025 19:09 

    Le président ukrainien a imposé jeudi des sanctions contre un homme d'affaires considéré comme son ami proche et accusé d'avoir orchestré une vaste affaire de corruption, tentant ainsi d'endiguer l'une des pires crises politiques qu'il traverse depuis l'invasion ... Lire la suite

Pages les plus populaires